26.8.14

Sombre idiot

Lui, qui n'avait prononcé jusqu'à ce jour la moindre parole malveillante à l'encontre de lui-même, s'était, tout à l'heure, dans un court monologue intérieur, traité de « sombre idiot ». Il en était encore offusqué, presque bouleversé. Que lui était-il donc arrivé ? Pourquoi tant d’acrimonie ? Il n'en savait rien, mais se promit fermement que cela ne se reproduirait jamais plus.

25.8.14

Le Sombreur

Depuis des années, il l'attendait. En tout lieu, à tout instant, il espérait la rencontrer. Secrètement, certains jours, il l'appelait, l'implorait, la suppliait mentalement de venir, de se présenter. Un matin, elle fut là. Tout près de lui, presque contre lui. Il sut immédiatement que c'était elle. Celle qu'il avait tant attendue, guettant, pendant des années, inlassablement sa venue. De crainte qu'elle ne s'échappe, il se rua sur elle. De ses mains puissantes, désespéré, il s'agrippa à son cou qu'il serra de toutes ses forces. Elle n'aura pas survécu. Étouffée, les vertèbres brisées, elle mourut dans ses bras. Alors, d'un geste brusque, il la jeta à terre, lui donna trois coups de pieds, puis aussitôt s'en détourna. Résigné, il s'en alla. Maintenant, il le savait : il n'aurait plus à attendre, à espérer, à supplier, car, désormais, il ne s'en présenterait plus jamais d'autres. Celle qu'il venait de tuer était sa Chance, sa première et dernière Chance.

15.6.14

Camisole

Insidieusement, on lui faisait revêtir une camisole. On était en train de le civiliser.

7.6.14

Soyouz

Petite partouze, hier, près de Mulhouse, au club-house du Dr House. A douze heures douze, sur un air de rhythm and blues, l'infirmier Mickey Mouse, vieille tantouze, dégrafe sa blouse et épouse, telle une ventouse, le roi de la piquouse. Jalouse, la secrétaire du Dr House arrache ses bagouzes, roule une galtouse à la tarlouze arabo-andalouse venue de Toulouse, puis lâche une perlouze. Odeur de bouse jusque sur la pelouse du club-house où dansent les papooses, filles des barbouzes toungouzes. Dans la nuit, indifférente, Soyouz vogue sous un ciel étoilé en direction de la Voie lactée.

1.6.14

Seul

Il est seul, vraiment seul maintenant. Il se sent complètement perdu, abandonné. Sa compagne de tous les instants n'est plus à ses côtés. Ce matin, sa détresse l'a quitté.

Sans force

Il se plaint doucement. Il n'a plus la force de hurler son désespoir.

29.5.14

Cruellitude

Sur le dernier billet publié sur son blog, il se plaint amèrement : personne ne s'intéresse à ses écrits, personne ne lit jamais son blog. Comble de l'optimisme démesuré ou de l'aveuglement. Qui donc sera, un jour, amené à lire cette plainte ?
Par quel sortilège ?

24.5.14

Le décompte

— Est-ce que tu as déjà fait la somme de toutes ces choses qui, dans ta vie, restent et resteront sûrement sans aucunes explications ?
— Non.
— Hé bien, tu peux commencer à compter, je t'assure que tu n'en aura jamais fini.

21.5.14

Blessée dans la soirée

Hier, dans la soirée, à toute vitesse, j'ai conduit la Mort au service des urgences de l'hôpital du coin. Elle s'était malencontreusement blessée avec sa faux. Ce matin, elle se remettait de nouveau sur pieds. A midi, la Mort reprenait le boulot.

6.5.14

Lumières

Muni d'une lampe de poche, il explore et inspecte les recoins sombres, obscurs et souvent inquiétants de la vie. C'est un vieux militant de l'Aufklärung.

5.5.14

Courage !

Si tu n'es pas misanthrope à 40 ans, c'est que tu n'as rien compris aux premières leçons données par la vie. Mais ne renonce pas à tout espoir. Tu peux encore suivre les cours du soir de l’École de commerce du coin ou même t'inscrire comme auditeur libre en Arts plastiques, ce qui revient au même. Sors, installe-toi à la terrasse des cafés. Pense à fréquenter les salons de bricolage qui fleurissent dans ta région. Passe quelques jours au Club Méditerranée. Mêle-toi à la foule du 14 juillet. Assiste, non loin de chez toi, au défilé du Tour de France. Regarde un match de rugby à la TV. Écoute BHL sur France Inter. Essaye de lire la biographie d'Amélie Nothombe ou un bouquin de Michel Onfray. Ouvre un compte sur Twitter. Courage, tout n'est pas perdu.

15.4.14

Le Match

Il avait l'esprit vif, plus rapide que le vent. C'était un garçon agile et doué. Ce fut un homme solide et intelligent. Ayant remporté le match de sa vie, dès la première mi-temps, il avait alors acquis le sentiment d'être largement gagnant. Il pensait ne plus pourvoir rien perdre. Absolument rien. Il refusait depuis de jouer la seconde mi-temps. Assis sur le banc de touche, il attendait patiemment le coup de sifflet final. Il n'était pas pressé. Il avait tout son temps.

12.3.14

Debout au douzième étage

Debout au douzième étage de l'immeuble marron et blanc, sur la rambarde en béton du balcon, les bras ballants, le visage tourné vers les nuages, il plie un genou.

20.2.14

La course

Lui, qui a toujours été largement en avance sur son temps, s'est fait doubler dans la nuit. Il distingue à peine, ce matin, son temps loin, très loin, devant lui. Il gare son véhicule sur une aire de stationnement et coupe le contact. Il sait, maintenant, qu'il ne pourra jamais le rattraper. Il se sent ridicule.

2.2.14

Piètre chasseur

Il avait toujours laissé passer la chance. Il ne s'était jamais donné ni le temps ni la peine de soulever son arme quand elle passait et repassait à sa portée. Cet étrange animal lui paraissait absolument immangeable. Alors, pourquoi l'assassiner ?

1.2.14

Mémoires

Pour les neurobiologistes, il existe quatre types de mémoire : une mémoire sémantique qui concerne les faits et connaissances générales ; une mémoire épisodique, celle des souvenirs personnels ; une mémoire procédurale où sont stockées des procédures motrices et cognitives apprises ; une mémoire de travail nous permettant de gérer le flux des informations en temps réel et d'organiser nos actions. Il y en a peut-être une cinquième que je ne pourrai pas citer : je l'ai déjà oubliée. Je ne suis d'ailleurs pas très sûr de cette information. Je ne me souviens plus avoir lu ou entendu ça. Je viens peut-être tout simplement de l'inventer.

Le temps perdu

Je l'ai cherché en haut, je l'ai cherché en bas. Je l'ai cherché à droite, je l'ai cherché à gauche. J'ai perdu mon temps. Je ne l'ai pas retrouvé.

30.1.14

Pauvre crétin

Il rêvait d'une fin glorieuse, d'un trépas héroïque au sommet de la Montagne magique. Étendu sur un lit boiteux, au troisième sous-sol d'une clinique de banlieue, il rendit une âme de navet bouilli.
La vie s'était ouvertement foutue de sa gueule. La mort l'a cruellement niqué.

A pleines dents

Il voulait mordre la vie à pleines dents. Il a bouffé un fruit pourri, rongé par les vers.

La vie m'a souri

La vie m'a souri avec les lèvres flétries d'une vieille putain édentée.

24.1.14

Jamais

— Le jour se lèvera-t-il, un jour ?
— Non, jamais. Plus jamais.

2.1.14

C'est la règle

Tu ne peux pas jouer le tu. Il ne t'appartient pas. Tu ne le possèdes pas. Tu peux jouer en tutu, en dansant si tu veux, mais tu ne peux que jouer le je, ta seule et unique possession, ton véritable objet. Tu peux aussi ne pas le jouer, rester en retrait. Jouer ou ne pas jouer est la seule alternative possible. Et, si tu choisis de jouer, tu dois jouer le je en entier, t'engager complètement, aller jusqu'au bout du je. Une fois entré dans le je, tu ne peux plus t'en retirer. Si tu tentes de le faire, alors, immédiatement, tu perds tout : le je et le tutu. Le tu, qui n'existe pas sans toi, disparaît aussitôt si tu perds, si tu te retires avant la fin du je. Si tu joues, si tu vas au bout du je, tu n'as rien à gagner, seulement la possibilité de recommencer, c'est-à-dire de remettre ton je en je. Tout ça sous le regard de tu impassible qui, un jour ou l'autre, parviendra à déchirer ton tutu, à te trouer la peau pour façonner des pipeaux avec tes os. Afin de contrecarrer l'avènement de ce triste sort, tu dois faire entrer tu dans ton je, faire en sorte que tu mettes en ton je son je. Cela sans perdre de vue ton rêve, celui que tu avais avant de commencer à jouer : au son du pipeau, faire danser tu en tutu, devenir alors le je du tu, le tu du je, le tu du tu, ce qui représente le je des je. C'est la règle. C'est la règle sur cet il perdu, en tout cas.