20.2.14

La course

Lui, qui a toujours été largement en avance sur son temps, s'est fait doubler dans la nuit. Il distingue à peine, ce matin, son temps loin, très loin, devant lui. Il gare son véhicule sur une aire de stationnement et coupe le contact. Il sait, maintenant, qu'il ne pourra jamais le rattraper. Il se sent ridicule.

2.2.14

Piètre chasseur

Il avait toujours laissé passer la chance. Il ne s'était jamais donné ni le temps ni la peine de soulever son arme quand elle passait et repassait à sa portée. Cet étrange animal lui paraissait absolument immangeable. Alors, pourquoi l'assassiner ?

1.2.14

Mémoires

Pour les neurobiologistes, il existe quatre types de mémoire : une mémoire sémantique qui concerne les faits et connaissances générales ; une mémoire épisodique, celle des souvenirs personnels ; une mémoire procédurale où sont stockées des procédures motrices et cognitives apprises ; une mémoire de travail nous permettant de gérer le flux des informations en temps réel et d'organiser nos actions. Il y en a peut-être une cinquième que je ne pourrai pas citer : je l'ai déjà oubliée. Je ne suis d'ailleurs pas très sûr de cette information. Je ne me souviens plus avoir lu ou entendu ça. Je viens peut-être tout simplement de l'inventer.

Le temps perdu

Je l'ai cherché en haut, je l'ai cherché en bas. Je l'ai cherché à droite, je l'ai cherché à gauche. J'ai perdu mon temps. Je ne l'ai pas retrouvé.

30.1.14

Pauvre crétin

Il rêvait d'une fin glorieuse, d'un trépas héroïque au sommet de la Montagne magique. Étendu sur un lit boiteux, au troisième sous-sol d'une clinique de banlieue, il rendit une âme de navet bouilli.
La vie s'était ouvertement foutue de sa gueule. La mort l'a cruellement niqué.

A pleines dents

Il voulait mordre la vie à pleines dents. Il a bouffé un fruit pourri, rongé par les vers.

La vie m'a souri

La vie m'a souri avec les lèvres flétries d'une vieille putain édentée.

24.1.14

Jamais

— Le jour se lèvera-t-il, un jour ?
— Non, jamais. Plus jamais.

2.1.14

C'est la règle

Tu ne peux pas jouer le tu. Il ne t'appartient pas. Tu ne le possèdes pas. Tu peux jouer en tutu, en dansant si tu veux, mais tu ne peux que jouer le je, ta seule et unique possession, ton véritable objet. Tu peux aussi ne pas le jouer, rester en retrait. Jouer ou ne pas jouer est la seule alternative possible. Et, si tu choisis de jouer, tu dois jouer le je en entier, t'engager complètement, aller jusqu'au bout du je. Une fois entré dans le je, tu ne peux plus t'en retirer. Si tu tentes de le faire, alors, immédiatement, tu perds tout : le je et le tutu. Le tu, qui n'existe pas sans toi, disparaît aussitôt si tu perds, si tu te retires avant la fin du je. Si tu joues, si tu vas au bout du je, tu n'as rien à gagner, seulement la possibilité de recommencer, c'est-à-dire de remettre ton je en je. Tout ça sous le regard de tu impassible qui, un jour ou l'autre, parviendra à déchirer ton tutu, à te trouer la peau pour façonner des pipeaux avec tes os. Afin de contrecarrer l'avènement de ce triste sort, tu dois faire entrer tu dans ton je, faire en sorte que tu mettes en ton je son je. Cela sans perdre de vue ton rêve, celui que tu avais avant de commencer à jouer : au son du pipeau, faire danser tu en tutu, devenir alors le je du tu, le tu du je, le tu du tu, ce qui représente le je des je. C'est la règle. C'est la règle sur cet il perdu, en tout cas.

5.11.13

Pourquoi ?

— Pourquoi ? Mais, pourquoi ?
— Parce que c'est comme ça et pas autrement !